« La laïcité, c’est pareil partout, non ? »

Image fronton école

Septembre 15      « La laïcité, c’est pareil partout, non ? » – Anaël Honigmann, animatrice ENQUÊTE

Séance du vendredi après-midi en temps périscolaire avec des enfants de CM1 dans une école du Xe arrondissement de Paris. Un des premiers ateliers de l’année : nous allons tenter de définir ensemble ce qu’est la religion et découvrir aussi ce qu’est cette fameuse laïcité dont les enfants ont entendu parler mais qui ne leur évoque rien ! Même Lena, la plus loquace du groupe, avoue qu’elle sèche.

Les enfants s’attellent d’abord à un “brainstorming” avec une première consigne : “Notez sur ces petits papiers les mots auxquels vous pensez quand vous entendez “religion”. Si Namu hésite beaucoup avant d’écrire et ne s’active qu’une fois que ses camarades lui ont fait part de leurs idées, Emma, elle, redemande sans cesse des papiers car elle en a toujours de nouvelles.

Nous classons ensuite leurs nombreuses propositions. Julia, méthodique, a choisi de noter l’ensemble des religions qu’elle connaît, auxquelles elle a ajouté le mot “dieu”. C’est d’ailleurs la seule à y avoir pensé : les autres ont surtout noté des lieux de cultes, des fêtes, des objets, des personnages, des livres… On retrouve église, orgue, Torah… La petite Emma a noté le mot “histoire”.

Fêtes religieuses et fêtes civiles

 

Après ses premières hésitations, Namu a écrit “14 juillet”, “mais je suis pas super sûr”. Les autres réagissent : “Mais non, c’est la fête nationale !”. L’animatrice reprend “Vous avez raison. Si on veut aller plus loin : que fête-t-on ? est-ce que si on se rassemble, ce n’est pas qu’on partage des choses communes ? Par exemple, qu’y a-t-il écrit sur le bâtiment de votre école ? ”. Ils le savent très bien : “Liberté, égalité, fraternité !”. Elle revient alors sur cette devise qui est au coeur de la laïcité : libertés de conscience et de culte, égalité des citoyens de toute conviction et volonté de vivre ensemble au-delà des différences.

Des lumières aux significations multiples

 

Nous poursuivons ensemble l’analyse de leurs réponses. En comparant son papier à celui de sa voisine, Emma réalise qu’elle a le mot “bougie” alors que Julia a écrit le mot “cierge” ; elle explique ”On allume des bougies à l’Eglise pour prier un saint”. Emma pense pour sa part à d’autres bougies, celles qui sont utilisées lors de la fête juive de H’anouka. Quant à Namu, “moi aussi, j’ai mis quelque chose sur les lumières, c’est la fête des lanternes”. Immédiatement, Lena, qui est franco-allemande, lui pique la parole et raconte la fête de saint Martin : “en novembre, il y a une procession avec des lanternes« . Mais “qui est saint Martin ?” Presque tous connaissent son histoire, celle d’un soldat romain qui a partagé son manteau avec un pauvre. Sans doute parce que Saint Martin est souvent présent dans les manuels scolaires avec une légende de ce type : “Le christianisme est la religion de la charité”. C’est l’occasion pour l’animatrice d’expliquer que la charité n’est l’apanage ni d’une religion particulière, ni même des religions. Elle prend un peu d’avance “Lors d’une prochaine séance sur les symboles, on évoquera le fait qu’une des branches de l’étoile, symbole de l’islam, représente l’obligation de donner de l’argent aux pauvres”. Mais Namu a très envie de parler, non pas de saint Martin, mais de Bouddha, qui est célébré lors d’une tout autre fête des lanternes. Il raconte alors une autre histoire qui l’a visiblement impressionnée : “En Corée, on a demandé beaucoup d’argent à tous les bouddhistes pour construire une statue géante de Bouddha pour qu’il y ait l’unité de la Corée du Nord et de la Corée du Sud”. On remarque finalement que ces divers rites lumineux, qui se ressemblent, peuvent avoir des significations très différentes. 

L’échange se poursuit par un débat animé sur Bouddha. Pour Namu, “c’est “presqu’un dieu”. Julia n’est pas du tout d’accord : “Mais non, c’est un homme qui a appris aux autres à méditerMoi, je le fais chaque semaine avec mon père !” L’animatrice rappelle alors, que comme pour de très nombreux sujets, au sein même d’une religion, tout le monde n’est pas d’accord et parfois sur des points essentiels !

Laïcité : “mais c’est pareil partout, non ?”

 

Elle raconte ensuite la laïcité à travers un récit un peu particulier.

Pour commencer, les enfants doivent se faire deviner les uns aux autres les mots-clés de l’histoire :  par exemple “chasser”, pour parler de l’expulsion des juifs puis des protestants ; guerres : pour guerres de religions ; école, séparation (de l’État et des religions) etc. Puis pendant le récit, les enfants sont très attentifs car ils doivent repérer les mots qui viennent d’être devinés et pointer alors les cartons où ils sont inscrits et qui sont dispersés sur la table.

Dernière étape de la séance : un quizz sur la laïcité. Pour ces enfants, il est évident qu’en France – ils savent maintenant que cela se nomme “laïcité” – on n’est pas obligé mais on peut avoir une religion, on a le droit de changer de religion, et on a les mêmes droits que l’on ait une religion ou aucune. Cela semble même évident à tous, et notamment à Lena qui s’exclame : “Mais c’est pareil partout, non ? “.