« Des bambins plus tolérants qu’il n’y paraît »

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Mai 14    « Des bambins plus tolérants qu’il n’y paraît » – Marine Afota, animatrice ENQUÊTE

Une saison est passée au centre social Aires 10 depuis la séance sur le Prophète de l’islam, qui avait fait naître des commentaires particulièrement choquants. Même endroit, même heure, même animatrice et même enfants.

Rien ne semble avoir changé, mais passons tout de même la tête à travers la porte de la salle où s’installe le groupe de collégiens.

“Aujourd’hui, nous allons parler d’Adam et Eve, des récits de création et de la vie après la mort selon les trois religions monothéistes. ”, annonce l’animatrice. En deux temps, trois mouvements, les jeunes s’interrogent : les questions fusent. “Que se passe-t-il après la mort ?” “Est-ce que les athées peuvent aller au paradis ?” “Et d’ailleurs, quand on y sera, il y aura des terrains pour jouer au foot ?

Marine A., l’animatrice, leur explique que, n’ayant pas expérimenté la mort, elle n’a pas plus d’informations qu’eux sur la question. Elle ajoute que les religions cherchent justement à répondre à ces questions, essentielles, pour lesquelles, ni les hommes, ni la science, n’ont de réponse. Elle leur présente ce que disent les religions sur ce sujet. Elle explique que les conceptions des trois monothéismes sont assez proches, le paradis étant ouvert aux hommes qui ont mené une vie conforme aux préceptes religieux.

Les enfants enchaînent alors ; comme souvent, c’est grâce à eux que la séance se construit. S’ensuit en effet une réflexion sur un thème mille et une fois revisité lors des ateliers précédents, un grand classique : mais en fait, c’est quoi une religion ? Ça sert à quoi d’abord ?

Pour certains c’est un ensemble de règles à suivre, pour d’autres il s’agit d’une promesse de récompense future… Yaya va plus loin: “Pour moi, c’est très important la religion, car ça me permet de ne pas tuer et de donner de l’argent aux pauvres, de faire des bonnes actions”.

L’animatrice, un sourire en coin, dessine alors deux bonshommes au tableau. “L’un est athée, l’autre est musulman. A votre avis y en a-t-il un qui va plus aider les autre ? Un qui va plus tuer ? Est-ce la religion qui détermine les actes des hommes ?”

Le même enfant rebondit immédiatement: “En fait Madame, il existe des vrais et des faux musulmans ! Tous les Mohamed Merah, Les Ben Laden et compagnie, moi je les aime pas, et en tant que musulman je voudrais aller m’excuser aux familles qui ont perdu un enfant à cause d’eux. Il ne faut tuer personne, absolument personne… même les juifs, il faut pas les tuer !”

Ce “même les juifs”, a priori lourd, en dit beaucoup plus que cela n’en a l’air : rappelons nous les préjugés et les idées qu’avait le groupe de jeune concernant les juifs il y a quelques mois.

L’atelier se termine autour de la question de savoir s’il faut forcer quelqu’un à avoir une religion ; Marine lance le débat “est-ce vraiment possible selon vous ?” Or, s’il y a peu, tous étaient d’accord pour répondre que oui, que cela était nécessaire et important, aujourd’hui leurs propos ont évolué “Moi je ne voudrais pas qu’on m’oblige à changer de religion ! Et d’ailleurs c’est stupide : dès que la personne qui me force, partira, je reprendrai ma religion. Personne ne peut contrôler ce que je pense vraiment. Du coup, nous aussi on va pas forcer les autres ; chacun sa religion”. Ainsi, seuls, ils arrivent à la notion de liberté fondamentale, de liberté des consciences.

Si la nouvelle saison fait pousser et mûrir bien des choses autour de nous, elle n’a pas oublié les collégiens du centre Aires 10 cette année. “Bien du chemin à faire” écrivions-nous en février dernier ; que de pas parcourus depuis. ENQUÊTE sème des graines, cherche à amener les enfants à percevoir différemment l’autre, à se poser eux-même les questions, à interroger leurs certitudes, bref à les faire bouger, petit à petit. Le coeur du processus éducatif…