Mes parents sont musulmans et mon beau-frère est chrétien, donc moi je suis les deux !

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« Mes parents sont musulmans et mon beau-frère est chrétien, donc moi je suis les deux ! » par Lily Parent, animatrice ENQUÊTE

Ce qui compte, c’est de jouer !

Pour commencer cette saison d’ateliers périscolaires à Strasbourg, je demande aux enfants pourquoi ils ont choisi de venir. La réponse est unanime : pour jouer ! L’atelier était présenté sous le titre « jeu et laïcité ». Comme ce dernier terme est encore inconnu pour eux, finalement ils n’ont vu que le premier aspect. Sauf Numa, 11 ans, qui nous dit qu’il s’intéresse beaucoup aux religions, « surtout au New Age ».

Nous commençons avec un premier jeu, qui a pour but de montrer aux enfants qu’on ne peut pas se définir d’une seule manière. Suivant les propositions que je fais, je leur demande de se mettre d’un côté ou de l’autre de la salle : « J’aime les épinards », « je suis né en Alsace », « je fais du sport », « je suis blond », j’enchaine les phrases et les voici bougeant d’un côté et de l’autre. C’est un peu le bazar, mais l’activité les amuse. Ils se rendent vite compte que chacun a plusieurs « étiquettes » qui le définissent. « Est-ce que vous êtes toujours du même côté ? », « Ben non » me répondent-ils ensemble, comme une évidence. On étendra cette notion par la suite à la religion: « Vous voyez, c’est comme pour la religion. On peut être croyant de telle ou telle religion, ou non-croyant, mais on est fait de plein d’autres choses aussi. » Djibril a bien compris : « Ah oui, par exemple je peux dire que je suis juif et que j’aime jouer aux jeux vidéos.»

Religion et origine géographique

« Deuxième jeu ; je vais vous distribuer des cartes et vous demander de, chacun à votre tour, les poser sur la table, en essayant de le regrouper par groupe qui fasse sens» Est-ce une nationalité ? Est-ce une origine géographique plus large (européen, arabe) ? Est-ce une religion ? Une fois qu’ils ont compris le principe, les enfants arrivent à classer les cartes assez facilement. 

Cela devient plus compliqué quand je passe à la deuxième partie du jeu. Je commence par une question facile, en rapprochant deux cartes : « Est-ce possible d’être musulman et arabe ? » « Bien sur que oui ! », répondent-ils en choeur. « Et d’être musulman et asiatique ? » Là, ils hésitent… Ils se font timides, cherchant dans mes yeux l’approbation pour la bonne réponse. Je leur explique finalement que l’Indonésie est le pays où il y a le plus de musulmans, et leur montre l’Indonésie sur la carte. Ils ne sont pas trop surpris : « C’est logique, les musulmans peuvent habiter où ils veulent ! ». On continue : « Et français et chrétien ? ». Martin est sûr de lui : « non, je ne crois pas que les Français soient chrétiens». Les autres suivent son opinion. A moi de corriger : « Pense à toutes les églises que tu connais à Strasbourg, comme la cathédrale, ou celle qui est à côté de l’école. Tu vois, ce sont des lieux de culte pour les catholiques, une famille des chrétiens. Ils se réunissent là pour prier. En fait, en France il y a beaucoup de chrétiens. »Je repars ensuite avec une nouvelle question : « Qu’en est-il… d’arabe et chrétien ? ». Djibril commence à comprendre la logique : « oui, je pense qu’il y a des arabes qui sont chrétiens, ça doit exister. Ils ont le droit aussi ».

Qui décide de ta religion ?

J’enchaine sur une autre combinaison : faisant durer un peu le suspens, je rapproche deux cartes chrétien et musulman : « et ça, ca vous semble possible ? ». Les regards se font perplexes. Mais soudain, avec une étincelle dans les yeux, Djibril s’exclame : « mais oui ! mes parents sont musulmans et mon beau-frère est chrétien, donc moi je suis les deux ! ». J’essaye de le faire réfléchir : « Qu’est-ce que ça veut dire être musulman ? être chrétien ? et qui décide de ta religion ? » Le débat se fait vif : Martin et Djibril pensent que ce sont les parents qui choisissent, quand Rayan se dit que c’est à lui de décider. Je mets en avant la différence entre la croyance, intime, que personne ne peut imposer à quelqu’un d’autre, et les différentes pratiques cultuelles et culturelles, tout en exposant les différents cas qui coexistent dans le monde. 

Finalement, je comprends qu’ils connaissent les noms de religions, mais que ces mots n’ont pas vraiment de sens pour eux. Sauf « athée ». De façon surprenante, ça, ils savent ce que le mot signifie : « athée, c’est quand on croit que Dieu n’existe pas. » Peut-être parce que ils évoluent dans un contexte où la laïcité se résume souvent à rendre tabou la connaissance des faits religieux. Ou comment conclure la séance pour renforcer ma conviction de l’utilité de ces ateliers.

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