« Le Prophète, ses femmes et les têtes blondes »

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Février 14      » Le Prophète, ses femmes et les têtes blondes » – Solange Nuizière, administratrice ENQUÊTE

En cette fin d’après midi d’hiver, le centre social est accueillant. Les enfants sont calmes. Les plus petits jouent, les plus grands font des efforts pour se concentrer sur leurs devoirs, accompagnés par des bénévoles retraités.

Les participants à l’atelier, animé par Marine, arrivent en ordre dispersé. Ce sont des collégiens d’une classe de sixième du collège voisin.

5 garçons de 11 ans, fatigués par leur journée, suivent avec la meilleure volonté possible les activités de l’atelier. La séance commence par un tour de table au cours duquel ils racontent un événement de leur journée. Un personnage nommé A., leur surveillant, semble concentrer la colère des enfants, qui s’expriment violemment à son sujet.

Le thème de l’atelier est « Mohammed », que Marine introduit par une devinette avec le jeu du « pendu ». A peine a–t-elle écrit la première et la dernière lettre au tableau qu’ils ont deviné de qui il s’agit, tant ils sont imprégnés de l’histoire que Marine leur raconte.

Elle lit cette histoire comme si le personnage était un proche, quelqu’un de connu : un orphelin élevé par son oncle dans une ville qui pourrait être voisine, et auquel il leur est aisé de s’identifier.

Ils sont très prolixes sur ce thème et interrompent sans cesse l’atelier : certains en savent déjà beaucoup sur l’histoire du prophète et sont fiers de leur connaissances. A la question que je pose de savoir d’où ils tiennent leur science, l’un m’explique que son père la lui enseigne.

Marine propose des jeux : un acrostiche à partir des lettres du nom de Mohammed est l’occasion de discussions nourries autour des compagnons du prophète, dont ils connaissent le nom, des lieux où il a vécu, de ses épouses, dont le nombre est sujet à discussion : « on peut épouser 11 femmes ! »  « Oui, mais pas plus de 4 à la fois »…

La question de la représentation de la personne humaine suscite des réactions d’une grande violence :

-« On n’a pas le droit de représenter le prophète dans notre religion. Ceux qui ont fait les caricatures de Mahomet sont déjà morts ou vont mourir. »

– « Et si ils ne le savent pas ? », demande Marine

– « On les a prévenus et on est partout, ils ne peuvent pas l’ignorer »

– « Et si c’est moi qui les fait, ces dessins ? »

– « Toi ce n’est pas pareil, on te connaît ».

D’où il ressort que lorsqu’on connaît quelqu’un, on peut entamer un dialogue, ce qui illustre le bien- fondé de ces ateliers dont l’objectif est justement la connaissance de l’autre.

Mais il reste du chemin à faire…

En effet, tout au long de cet atelier, les enfants ont souvent exprimé de la haine à l’égard des Juifs : concurrents historiques quant à la filiation d’Abraham et d’Isaac, les pères fondateurs dont ils revendiquent l’exclusivité, mais aussi haine d’aujourd’hui sur des thèmes très répandus dans différents milieux, leur famille peut-être, les médias auxquels ils sont exposés et au premier chef Internet : les Juifs tuent des enfants à Gaza, martyrisent les Arabes en Israël, possèdent le pouvoir en France… La liste des griefs est connue et les enfants y croient.

Avant de partir, mon jeune voisin qui a exprimé des paroles très violentes se tourne vers moi. Il m’explique qu’il existe deux sortes de musulmans : ceux qui sont des terroristes, se mettent des ceintures d’explosifs et se font sauter à côté de victimes innocentes, et les autres qui comme lui et sa famille sont des musulmans modérés.

Il est très intelligent : sans doute a t-il pris conscience de l’effet que peuvent susciter leurs discours.

Mais il reste bien du chemin à faire…

Et ces ateliers auxquels ils participent volontairement sont un petit pas vers une meilleure connaissance de l’autre.