Jouer en classe autour du fait religieux et de la laïcité

Utilisation Arbre à défis en classe

Février 15     « Jouer en classe autour du fait religieux et de la laïcité » – Ange Ansour, administratrice ENQUÊTE

Professeure des écoles à Paris, en cohérence avec les injonctions du Projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture, il a semblé essentiel à Gabrielle Hardy-Engelson de cultiver une ambition pour ses élèves, celle de construire « une citoyenneté critique et partagée, ouverte à l’altérité. » Dans sa classe de CE2, elle a donné corps à cette ambition et à celle d’un enseignement de la morale laïque en collaboration avec Marine Quenin, fondatrice de l’association Enquête.

Lundi après-midi, les élèves de CE2, de l’école parisienne Maurice d’Ocagne, s’agitent, rangent leurs cahiers, préparent les dictionnaires et reforment des groupes de travail prêts aux « défis » du jour en attendant que Marine ouvre la séance. Les élèves jouent à « l’Arbre à Défis », un jeu épistémique conçu par l’association Enquête comme une initiation savante et ludique au fait religieux et la laïcité. L’objectif est de faire gagner à son équipe des points qui se traduisent par des feuilles d’arbre aux couleurs des différentes équipes. A la fin de la séance, on colle les feuilles sur l’arbre. En juin, cet arbre est fourni et témoigne des apprentissages des élèves.

Grace et Jonathan, de l’équipe vert clair, rappellent les règles « si vous trouvez la réponse avec trois indices, vous faîtes gagner à votre équipe 2 points. ». Ensuite, ils donnent les indices : « C’est une ville importante pour les chrétiens. Elle est en Italie. Dans cette ville, il y a une autre ville. » Les enfants notent sur leurs cahiers, se concertent, cherchent fébrilement, les réponses fusent. Question de Marine « Pourquoi as-tu mis Constantinople ? » ; l’élève répond « parce qu’on a appris en Histoire que les chrétiens ont divisé deux villes importantes ». Et c’est parti pour un voyage dans les mots, l’histoire, la géographie.

Ensuite, c’est au tour de Manuel et Mohammed de donner leurs trois indices pour le défi suivant : « 1er indice : ville sainte pour les juifs. 2e indice : ville sainte pour les chrétiens. 3e indice : ville sainte pour les musulmans ». Les élèves ne répondent pas, parce que le premier réflexe est celui de comprendre ce que veulent vraiment dire les mots, ne pas s’arrêter à ce qu’on croit savoir, utiliser le dictionnaire. On essaie « important » mais Paris est important aussi et ce n’est pas une ville sainte ! On analyse les définitions pour déterminer laquelle correspond au contexte. La réponse à ce défi engendre de très nombreuses questions, pas du tout celles auxquelles on pourrait s’attendre « ça veut dire quoi prendre le pouvoir ? », « c’est quoi un pèlerinage ? ». Les élèves jouent avec les mots, les références historiques et culturelles. Les cartes du jeu, textes et images à l’appui, sont un élément essentiel pour donner les clés de compréhension et d’exploration.

Le troisième défi « c’est une ville sainte pour l’islam, il y a un cube noir qui s’appelle la kaaba. C’est une ville construite par Abraham. » Les notions étant difficiles à appréhender, la médiation de l’adulte est indispensable. Marine explicite dès lors le rôle d’Abraham pour les croyants musulman, mais aussi chrétien et juif, la valeur conceptuelle de la Kaaba, comme symbole d’unité des musulmans.

Les élèves notent régulièrement les nouvelles connaissances qui vont d’ailleurs leur servir pour leurs nouveaux défis et les échanges fusent sur les lieux à Paris en lien avec la religion, voire le pont de San Francisco qui est « important mais pas saint » ! Les élèves sont dans la comparaison et non la confrontation, il s’agit d’un sujet d’études comme un autre. Le fait de nommer « juif », « mihrab », « croix » retire la tentation de l’invective.