OBJECTIFS ET POSITIONNEMENT PÉDAGOGIQUES

Une vidéo d’une professeure des écoles sur le positionnement pédagogique, extrait du parcours en ligne pour les enseignants (2 heures pour acquérir des gestes professionnels avec des conseils d’enseignants, des extraits de séances filmées et des quiz sur des situations de classe)

LE FIL ROUGE : DISTINGUER SAVOIR ET CROIRE

L’association vise, à travers des échanges apaisés, à développer l’esprit critique des enfants sur les faits religieux, et in fine, à susciter leur attachement au principe de laïcité. Ces objectifs reposent sur la distinction entre “savoir” et “croire”, qui se décline en 3 sous-objectifs :

1. Distinguer 2 domaines différents : celui du “savoir” et celui du “croire”

  • Il y a des choses qui peuvent être vérifiées, elles sont donc partageables par tous : ce sont des choses qu’il est possible de savoir, que tout un chacun peut observer par ses cinq sens, ou qu’une démarche scientifique ou historique permet de vérifier. Par exemple, à la question “comment l’univers s’est-il formé ?”, il est possible de savoir (entre autres) que l’univers s’est formé en des milliards d’années.
  • Il y a des choses qui ne sont pas vérifiables : à leur sujet, il est possible d’avoir différentes opinions. Ce sont des choses qu’il est possible de croire : l’existence d’un dieu, de plusieurs dieux ou d’aucun dieu, l’existence d’une âme, d’esprits, d’une vie après la mort, du paradis ou de l’enfer, de la réincarnation, etc. 

=> A partir de cette distinction, il s’agit d’amener les enfants à comprendre :

→ qu’il est normal que tout le monde ne soit pas d’accord au sujet de l’existence d’un dieu, de plusieurs, ou d’aucun (et de manière plus générale, au sujet des convictions religieuses) ; 

→ que chacun est libre de se faire son opinion sur ces sujets : chacun a sa liberté de conscience ;

→ que la laïcité protège la liberté de chacun.

2. Familiariser les enfants avec une pluralité de convictions

Le travail autour de savoir et croire permet aux enfants de comprendre qu’il est normal que la pluralité de convictions existe. Il importe de sortir d’une vision binaire, avec d’un côté “ceux qui croient” et “ceux qui ne croient pas”, car cette binarité ne reflète pas la réalité et encourage la confrontation. Pour en sortir, il s’agit de décrire les différents points de vue qui existent. Par exemple, à la question “pourquoi existons-nous ?”, une personne monothéiste pourrait répondre “parce qu’un dieu l’a voulu”, une personne polythéiste “parce que plusieurs dieux l’ont voulu”, une personne athée “c’est le fruit du hasard”, une personne agnostique “comme c’est impossible à vérifier, je ne me prononce pas”. Évoquer de manière concrète ces différentes manières de penser permet aux enfants de trouver cette pluralité ordinaire voire intéressante, et de comprendre l’utilité de la laïcité, et ainsi de s’y attacher : elle est le cadre qui garantit à chacun une liberté de pensée.

3. Familiariser les enfants avec l’existence d’une diversité à l’intérieur de chaque groupe

Il n’existe pas une unique manière d’être chrétien, musulman, etc. Il s’agit, en particulier, d’apprendre aux enfants que les croyances et pratiques religieuses découlent de la compréhension par les croyants de leurs textes religieux. Les enfants apprennent que les textes religieux s’interprètent, et qu’ils sont interprétés diversement par les croyants d’une même religion. De la même manière qu’il est impossible de vérifier s’il y a un, plusieurs ou aucun dieu(x), il est impossible de vérifier une interprétation d’un texte religieux. Ainsi, un croyant peut être convaincu (croire) que son interprétation et sa manière de pratiquer sont justes, mais il ne peut pas le vérifier (savoir). La diversité des interprétations, et donc des croyances et des pratiques, qui existent au sein d’une même religion, est normale. Les enfants comprennent qu’il peut exister non seulement une diversité de “branches” au sein d’une religion, mais aussi que chaque personne comprend sa religion à sa manière. Ils apprennent que c’est aussi cette liberté de croire et de pratiquer à sa manière que la laïcité garantit.

Ce faisant, les enfants apprennent à ne pas s’imposer les uns les autres des manières de penser et de vivre, et s’attachent à la liberté de conscience tant des autres que de la leur.

DES GESTES PROFESSIONNELS À ADOPTER

La pédagogie de l’association repose sur 2 principes pédagogiques : la neutralité et la pédagogie du questionnement.

La neutralité 

Bien plus que d’avoir des connaissances poussées sur les faits religieux, ce qui est utile pour éduquer à la laïcité est d’adopter un positionnement neutre dans la manière de parler de ces questions. Il s’agit de faire ressortir la liberté de conscience des enfants et la multiplicité des points de vue existant dans la société. La neutralité de l’adulte permet de dessiner un espace dans lequel il n’est pas pris à parti : l’élève pourra exprimer librement ses pensées sans avoir peur du jugement de l’adulte qui aurait une conviction différente de la sienne, et, à l’inverse, sans présupposer une connivence avec celui qui aurait une conviction similaire à la sienne.

LES BASES DE LA NEUTRALITÉ 

  • Ne pas faire part de sa conviction aux enfants, ni donner son opinion sur les religions :

→ Ne pas dire sa conviction, qu’elle soit religieuse ou non religieuse.

→ Ne pas tenir de propos qui donnent des indications sur sa vie personnelle, comme “J’ai vu lors de telle fête religieuse que…”. Si l’adulte veut illustrer un propos, il objective le témoignage : “il y a des personnes qui…”.

→ Donner une diversité de points de vue : “certains pensent que les religions… ; d’autres que…”.

  • Ne pas demander leur conviction aux enfants, ni les assigner à une religion réelle ou supposée :

→ Accueillir, mais ne pas solliciter les témoignages d’enfants.

→ Ne pas laisser les enfants s’assigner les uns les autres à leur identité : chacun parle pour soi.

  • Ne pas en faire des experts : 

→ Replacer les propos des enfants comme des témoignages personnels, familiaux. Par exemple, si un élève dit “dans ma religion, on fait…”, l’adulte peut dire : “Ah, donc tu connais des personnes qui font ci. Sans doute d’autres font autrement.”. Nul besoin ni de connaître la pratique évoquée par l’élève, ni de connaître la pratique qui diffèrerait.

→ Ne pas être troublé si ce qu’un élève dit est contradictoire avec les connaissances présentes dans les outils, malgré le fait qu’il soit très affirmatif et/ou semble érudit : l’éducateur affirme un savoir sur les faits religieux : “Je t’apprends donc que… ”, et reprend son déroulé pour travailler les objectifs pédagogiques.

UTILISER UN VOCABULAIRE DESCRIPTIF ET PRÉCIS

  • Lorsqu’on parle de croyances, le signaler : “selon les croyances des chrétiens…” , “dans les récits…”, “d’après certains musulmans”.
  • Remplacer les propos normatifs ou prescriptifs sur la religion (“il faut/ne faut pas”, “obligatoire”, “interdit”, “autorisé”) par un vocabulaire descriptif sur les personnes, qui met en évidence la diversité des croyances et des pratiques (“certains bouddhistes font ceci, d’autres cela”).
  • Ne pas formuler des jugements de valeur (“il va à la synagogue seulement une fois par an”, “elle ne pratique pas strictement).
  • Remplacer les énoncés religieux (“Le Prophète”) par des formulations descriptives (Mohammed, le dernier prophète selon les croyances des musulmans”).

N.B. : L’adulte ne peut pas surveiller tout le temps son langage. Ce qui prime est son intention principale : ne pas vouloir influencer ses enfants, mais chercher à travailler leur esprit critique. Ces réflexes de langage s’acquièrent au fil des séances.

Une pédagogie du questionnement 

Les sujets sensibles que sont les faits religieux requièrent que l’adulte laisse s’exprimer les enfants, afin que ceux-ci s’approprient les notions abordées. Pour ce faire, il fait usage d’une pédagogie du questionnement, pour rebondir sur les propos des enfants, afin de les faire discuter et réfléchir. Il leur pose des questions délibérément naïves, comme il le fait sur d’autres thématiques pour travailler l’esprit critique des enfants, afin de :

  • faire préciser à l’élève de quel point de vue il parle ;
  • déconstruire des stéréotypes et des généralisations ;
  • faire travailler la différence entre un savoir/un fait et une opinion.

Cela permet aussi de ne pas surinterpréter un propos d’élève en faisant reformuler, préciser. 

3 TYPES DE QUESTIONS

  • “Qui ça, ‘nous’ ? Qui ça, ‘eux’ ?” => “je” ou “dans ma famille”, “certains juifs, chrétiens…”

→ Lorsque les enfants s’expriment comme s’il était évident que tout le monde a la même conviction ou la même manière de croire au sein d’une religion, les questionner pour lever les ambiguïtés : “C’est qui ‘nous’ ? toute la classe a la même religion ? ”

  • “Tous les…  ? et les autres ?” 

→ Faire apparaître la pluralité et la diversité interne : “Tous les humains pensent/croient/interprètent/ pratiquent… ? Toutes les personnes de cette conviction pensent… ? Comment pensent d’autres… ?”

  • Si besoin, réactiver savoir et croire : “Peut-on le savoir ou y a-t-il différents points de vue ? Lesquels ?”

Si besoin, affirmer la diversité interne

Il arrive que les enfants ne parviennent pas à formuler par eux-mêmes ce vers quoi l’adulte les amène. Par exemple, il se peut que certains enfants ne conçoivent pas l’existence d’une diversité de manières de faire au sujet de telle ou telle pratique religieuse ; ou que des enfants nient l’existence de cette diversité au sein d’une religion en particulier. Dans ces cas, l’adulte apprend aux enfants l’existence de cette diversité : c’est une connaissance que transmet l’adulte, comme toute autre connaissance, avec son autorité d’adulte. Pour cela, il n’a pas besoin de connaissances spécifiques sur la religion en question : il peut affirmer le principe de diversité interne, car cette diversité existe dans tous les groupes, quels qu’ils soient. Par exemple, l’adulte peut dire à l’élève : “Tu connais des choses que tu souhaites partager et c’est très intéressant, mais connais-tu tous les X de la terre ? Tu ne peux pas parler au nom de millions de personnes et savoir ce qu’elles pensent… En l’occurrence, il y a des X qui pensent/font ça, et d’autres qui pensent/font ceci.”.

L’essentiel de la pédagogie de l’association se joue dans le fait de toujours garder à l’esprit les objectifs que l’on s’est fixés pour les enfants : la distinction entre savoir et croire, la mise en avant de la pluralité des convictions, de leur diversité interne et de la liberté de conscience.