LAÏCITÉ & FAITS RELIGIEUX DANS LES PROGRAMMES – CYCLES 2 & 3

La laïcité comme les faits religieux sont des objets d’enseignements transversaux. Il n’existe donc pas de discipline, de programme ou d’horaires qui leurs sont dédiés, mais ces deux thématiques traversent les programmes du cycle 3 (CM1, CM2 et 6e). Elles ne sont pas systématiquement abordées en même temps mais leur interdisciplinarité permet de les articuler au sein des programmes disciplinaires.

L’éducation à la laïcité constitue la finalité principale de l’enseignement des faits religieux ; c’est parce que cet enseignement est un moyen privilégié pour éduquer à la laïcité que son inscription comme enseignement transversal dans les programmes scolaires est justifiée. Au cycle 3, les faits religieux et la laïcité peuvent être abordés dans le cadre de plusieurs disciplines, en particulier : l’enseignement moral civique, le français, l’histoire, la géographie et l’histoire des arts ; ils peuvent aussi être abordés au travers d’autres disciplines telles que l’éducation musicale ou les sciences.

DANS LE SOCLE COMMUN

Trois domaines de formation qui composent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (2016) intègrent l’enseignement laïque des faits religieux et l’éducation à la laïcité : « la formation de la personne et du citoyen », « les systèmes naturels et les systèmes techniques » et « les représentations du monde et l’activité humaine ».

  • Concernant le domaine de « la formation de la personne et du citoyen », il est indiqué notamment qu’il « fait appel […] à la connaissance, la compréhension mais aussi la mise en pratique du principe de laïcité, qui permet le déploiement du civisme et l’implication de chacun dans la vie sociale, dans le respect de la liberté de conscience » et que « l’élève […] connaît le sens du principe de laïcité ; il en mesure la profondeur historique et l’importance pour la démocratie dans notre pays. Il comprend que la laïcité garantit la liberté de conscience, fondée sur l’autonomie du jugement de chacun et institue des règles permettant de vivre ensemble pacifiquement ».
  • Le domaine des « systèmes naturels et systèmes techniques » a pour objectif de poser les bases qui permettent à l’élève de « pratiquer des démarches scientifiques et techniques ». Il mentionne que « fondées sur l’observation, la manipulation et l’expérimentation […] les démarches scientifiques ont notamment pour objectif d’expliquer l’Univers, d’en comprendre les évolutions, selon une approche rationnelle privilégiant les faits et hypothèses vérifiables, en distinguant ce qui est du domaine des opinions et croyances ».
  • Le domaine sur les représentations du monde et l’activité humaine initie notamment aux « systèmes de pensée et de conviction, l’art et les œuvres, les représentations par lesquelles les femmes et les hommes tentent de comprendre la condition humaine et le monde dans lequel ils vivent. » Il a comme objectif de donner aux élèves des outils pour mieux connaître « les éléments clés de l’histoire des idées, des faits religieux et des convictions ».

EN ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE 

Il constitue un moyen privilégié pour mettre en œuvre l’enseignement des faits religieux pour éduquer à la laïcité puisque le nouveau programme d’EMC (2024) indique que « les valeurs et les principes essentiels de la République française sont la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité » et qu’il vise à développer les compétences civiques et citoyennes des élèves qui permettent de s’inscrire dans la vie démocratique dont le « respect d’autrui et l’acceptation des différences […] et le sentiment d’appartenance à une collectivité. »

Le programme d’EMC explicite les connaissances, les compétences et les objets d’enseignements qui permettent d’atteindre ces finalités au cycle 2 et 3

  • Ainsi, il est demandé aux enseignants, dès le CE1 « d’aborder le principe de la liberté de conscience […] La laïcité est abordée comme liberté de croire, de ne pas croire ou de changer de croyance ; elle permet donc la diversité des croyances et des opinions philosophiques. » 
  • En CM1, les enseignants sont invités à apprendre à l’élève, le « respect de son intégrité personnelle et de celle des autres, dans leur diversité (croyances, convictions, etc.) » et à « faire société » en abordant « égalité, dignité, discriminations, tolérance » en mettant en place « des situations permettant à chacun d’assumer ses choix et de respecter ceux des autres.»
  • En CM2, dans la partie « vivre en République à l’école laïque », il est indiqué que l’élève apprendra que « le respect des croyances est assuré, mais, comme ailleurs, leur expression est limitée par la loi. Celle-ci protège les élèves de toute influence religieuse et préserve leur liberté de conscience » et que « nul ne peut être discriminé pour sa croyance ou ses convictions, mais nul n’a non plus le droit d’imposer ses croyances ou ses convictions aux autres. ». Dans les « démarches et situations d’apprentissage possibles : les élèves sont sensibilisés au respect de la diversité des croyances et des convictions de chacun dans les limites fixées par la loi. À partir de la lecture et de l’étude d’articles de la Charte de la laïcité, les élèves expliquent pourquoi l’école est laïque et discernent les comportements remettant en cause la laïcité (art. 13 du préambule de la Constitution de 1946, loi du 15 mars 2004). Des références historiques comme les lois scolaires de 1881-1882 peuvent être mobilisées pour démontrer l’ancrage historique de la laïcité et la place particulière de l’école dans la conquête de ce principe. Une approche de la loi de 1905 permet de comprendre la laïcité comme principe d’organisation de notre société. Ces démarches peuvent être mises en œuvre à l’occasion de la Journée de la laïcité du 9 décembre. »

EN FRANÇAIS

L’éducation à la laïcité par l’enseignement des faits religieux peut commencer, dès le cycle 2 via l’apprentissage de la lecture lorsque le professeur fait découvrir « des récits adaptés de la mythologie ». Au cycle 3, en CM1 et en CM2, par le  développement d’une « culture littéraire et artistique », les enseignants confrontent l’élève « au merveilleux, à l’étrange », lui font  « découvrir des mondes imaginaires qui éveillent la sensibilité à l’inconnu » permettant ainsi à « l’élève d’explorer des thèmes universels » dont « la curiosité pour l’inexplicable […]. L’étude du merveilleux et de l’étrange, en s’appuyant sur des textes variés, permet d’allier la découverte du texte littéraire à une réflexion plus large sur notre rapport à l’inexplicable […] et de développer l’esprit critique. » Lorsqu’il s’agit de  « comprendre et interroger la morale […] l’élève découvre des fondements de la vie en commun, notamment la justice, la tolérance, la liberté, le respect des différences, […] Il apprend à comprendre les valeurs morales portées par les personnages, à s’interroger sur les conséquences de leurs actions et leurs effets, sur le collectif, et développe son esprit critique et sa propre sensibilité. » En 6e, le thème   « Créer, recréer le monde  : récits des origines (récit, fiction) » invite l’enseignant  à  « prendre appui sur l’étude et l’appropriation de larges extraits d’œuvres intégrales […] l’élève découvre au moins un texte fondateur (issu notamment des religions monothéistes) et quelques mythes et contes étiologiques (issus de différents continents et traditions culturelles). Il les compare, devient sensible aux symboles et aux métaphores, s’interroge sur les représentations et les valeurs qu’ils portent.»

Par ailleurs, ces éducations transversales peuvent servir l’acquisition des savoirs fondamentaux par le développement de compétences essentielles relevant de la maîtrise du français :  « écouter pour comprendre » ; « créer des liens entre le texte lu et ses expériences personnelles » ; « lire à voix haute, avec aisance et expressivité, un texte de 10 à 20 lignes en regardant l’auditoire » ; « produire des écrits réflexifs courts pour argumenter et justifier ses choix » ; « réaliser une production orale, individuelle ou collective, claire et organisée pour raconter, expliquer, argumenter, justifier, partager des connaissances ». Le programme invite  également l’enseignant à développer « le regard critique des pairs, la collaboration entre les élèves. »

EN HISTOIRE ET EN GÉOGRAPHIE

La laïcité est un objet d’enseignement dans les programmes scolaires d’histoire et géographie. L’enseignement laïque des faits religieux permet non seulement d’aborder avec les élèves l’histoire de religions disparues, comme le polythéisme grec ou encore l’origine et les évolutions historiques de religions anciennes encore présentes dans nos sociétés, mais d’étudier aussi les croyances et pratiques religieuses contemporaines que les élèves peuvent rencontrer.

  • En CM1, les élèves étudient l’histoire de la colonisation romaine des Gaules, et notamment l’introduction des religions juive et chrétienne. Un peu plus tard, ils abordent l’époque de « Louis IX, le “roi chrétien” au XIIIe siècle », puis de Henri IV et l’édit de Nantes. Les élèves étudient les Croisades et les guerres de religion. Enfin, la Révolution française permet d’inscrire la laïcité dans sa profondeur historique en abordant notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
  • Cette histoire de la laïcité se poursuit en CM2 lorsque les élèves étudient « le temps de la République ». Ils abordent la construction de l’école primaire gratuite, laïque et obligatoire au temps de Jules Ferry. Ils étudient les libertés, les droits et les devoirs dans le régime démocratique : « on montre que les libertés (liberté d’expression, liberté de culte…) […] en vigueur aujourd’hui, sous la Ve République, sont le fruit d’une conquête et d’une évolution de la démocratie et de la société et qu’[elles] sont toujours questionné[e]s. »
  • Les programmes d’histoire et de géographie de la classe de 6e intègrent également un enseignement laïque des faits religieux. Ils invitent à consolider l’apprentissage de la distinction entre savoir et croire en croisant l’enseignement de l’histoire et du français: « toujours dans le souci de distinguer histoire et fiction – objectif qui peut être abordé en lien avec le programme de français – et particulièrement en classe de sixième en raison de l’importance qui y est accordée à l’histoire des faits religieux, les élèves ont l’occasion de confronter à plusieurs reprises faits historiques et croyances. L’étude des faits religieux ancre systématiquement ces faits dans leurs contextes culturel et géopolitique. » Deux thèmes du programme d’histoire permettent au professeur d’investir l’enseignement des faits religieux. D’une part, le thème 2 qui met à l’honneur l’étude des « récits fondateurs, croyances et citoyenneté́ dans la Méditerranée antique au Ier millénaire avant J.-C. Ce thème propose une étude croisée de faits religieux, replacés dans leurs contextes culturels et géopolitiques. […] Toujours dans le souci de distinguer histoire et fiction, le thème permet à l’élève de confronter à plusieurs reprises faits historiques et croyances. Les récits mythiques et bibliques sont mis en relation avec les découvertes archéologiques. » Et, d’autre part, le thème 3 de « l’empire romain dans le monde antique » qui aborde non seulement la romanisation de la Gaule mais aussi comment « Le christianisme issu du judaïsme se développe dans le monde grec et romain. Quels sont les fondements de ce nouveau monothéisme qui se réclame de Jésus ? Quelles sont ses relations avec l’empire romain jusqu’à la mise en place d’un christianisme impérial ? ».

EN HISTOIRE DES ARTS, ARTS PLASTIQUES ET EDUCATION MUSICALE

Les programmes d’histoire des arts, d’arts plastiques et d’éducation musicale constituent aussi une occasion privilégiée pour mettre en œuvre l’enseignement des faits religieux. D’autant plus que l’histoire des arts est également un enseignement « transversal aux différents enseignements ». Le programme d’histoire des arts invite le professeur à apprendre à l’élève à décrire et à « donner un avis argumenté sur ce que représente ou exprime une œuvre d’art », ce qui implique, par exemple, d’ « identifier des personnages mythologiques ou religieux » faisant appel à la « connaissance de mythes antiques et récits fondateurs, notamment bibliques » pour « mettre en relation un texte connu (récit, fable, poésie, texte religieux ou mythologique) et plusieurs de ses illustrations ou transpositions » artistiques, par exemple la musique sacrée. Il doit aussi permettre aux élèves d’observer l’architecture et leur apprendre à se « repérer dans un musée, un lieu d’art, un site patrimonial ». Dans ce cadre, le professeur peut organiser des visites de lieux de cultes.

EN SCIENCES ET TECHNOLOGIES

Certaines parties du programme de « sciences et technologies » du cycle 3  peuvent être l’occasion de mettre en œuvre l’enseignement laïque des faits religieux puisqu’il s’agit « d’amener les élèves à exercer leur capacité à raisonner, à développer leur esprit critique et à distinguer le registre de la connaissance scientifique qui repose sur des faits éprouvés de celui de la croyance ou de la simple opinion. » 

  • C’est par exemple, le cas lorsqu’il s’agit d’étudier « le mouvement de révolution de la Terre autour du Soleil, du point de vue héliocentrique, et le mouvement de rotation de la Terre par rapport à l’axe des pôles sont introduits pour définir la durée d’une année et la durée d’un jour », « d’observer, schématiser et nommer les phases de la Lune » et de « constater l’existence d’un cycle et nommer les différentes phases » Ces entrées peuvent constituer une occasion d’évoquer non seulement les fondements scientifiques mais aussi religieux des différents types de calendriers, lunaires, solaires et luni-solaires.
  • La thématique « le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent » constitue d’autres occasions puisque « la classification des êtres vivants […] offre l’occasion d’introduire la notion de parenté entre les êtres vivants » et que l’étude de « la biodiversité observée dans le passé, évoquée au travers de groupes emblématiques (comme les dinosaures par exemple), permet d’appréhender le temps long et de poser les premiers jalons pour dépasser une conception fixiste du vivant. Elle est également l’occasion de distinguer les savoirs scientifiques – qui reposent sur des faits éprouvés – des croyances ou de la simple opinion. » L’enseignant peut apprendre aux élèves, non seulement, que la science cherche à répondre à la question “comment les êtres vivants se sont-ils formés ?” et non à la question “pourquoi les humains existent-ils ?”, mais aussi que si la croyance en l’existence d’un premier couple parents de tous les humains est contredite par les connaissances scientifiques sur l’espèce humaine: une personne croyante peut à la fois savoir que les humains sont apparus il y a environ 300 000 ans et sont le fruit de l’évolution des espèces vivantes, et croire que c’est un ou plusieurs dieux qui ont voulu cette évolution (opinion religieuse) ou croire qu’elle a eu lieu par hasard (opinion athée).

La pédagogie et les outils développés par ENQUÊTE permettent de mettre en œuvre l’enseignement laïque des faits religieux pour éduquer à la laïcité. En effet, expliquer la laïcité de manière concrète aux élèves suppose qu’ils prennent conscience de la pluralité des convictions pour en déduire la nécessité d’un cadre légal permettant de vivre ensemble. C’est le cas de plusieurs outils conçus pour le cycle 3 de l’école élémentaire :